22 mars 2007

BATTISTI : LA DOCTRINE MITTERRAND

La « doctrine Mitterrand » est énoncée par l’ancien président de la République à l’occasion de deux discours datés 1er et 22 février 1985. Ces discours proposent une alternative à la situation régnant en Italie en proposant aux italiens ayant renoncé à la violence et à l’activisme de vivre en France à visage découvert. Il s’agit pour François Mitterrand, par cette idée, de résoudre le cas de plus de 300 italiens réfugiés principalement en banlieue parisienne depuis 1976. Cette doctrine va donc inciter un certain nombre d’exilés italiens à rejoindre la France pour recouvrir une existence officielle. Ce sera par exemple le cas de C. Battisti, qui en 1990, quittera le Mexique afin de rejoindre et de passer devant la justice française (1991) qui émettra alors un avis défavorable d’extradition compte tenu de la confusion des accusations énoncées à son encontre. Ce motif était bien souvent invoqué afin de motiver le rejet des demandes d’extraditions émanant de l’Italie.

EXTRAITS DES DISCOURS FONDATEURS DE LA DOCTRINE MITTERRAND

Discours au Palais des sports de Rennes, 1er février 1985

« Oui, j’ai décidé l’extradition, sans le moindre remords, d’un certain nombre d’hommes accusés d’avoir commis des crimes. Je n’en fais pas une politique. Le droit d’asile, dès lors qu’il est un contrat entre celui qui en bénéficie et la France qui l’accueille, sera toujours et a toujours été respecté ; il n’était d’ailleurs pas demandé, dans la circonstance, en temps utile. Je refuse de considérer a priori comme terroristes actifs et dangereux des hommes qui sont venus, particulièrement d’Italie, longtemps avant que j’exerce les responsabilités qui sont miennes, et qui venaient de s’agréger ici et là, dans la banlieue parisienne, repentis... à moitié, tout à fait,... je n’en sais rien, mais hors du jeu. Parmi eux, sans doute une trentaine de terroristes actifs et implacables. Ce sont justement ceux qu’on ne contrôle pas, c’est à dire qu’on ne sait pas où ils sont ! On dit qu’ils sont en France ? La France est quand même un pays - sans que je puisse préjuger en quoi que ce soit de ce qui se passera demain - dans lequel on a connu une trace moins sanglante qu’ailleurs, même si elle est encore trop sanglante. Mais je dis hautement : la France est et sera solidaire de ses partenaires européens, dans le respect de ses principes, de son droit : elle sera solidaire, elle refusera toute protection directe ou indirecte pour le terrorisme actif, réel, sanglant. »

Compte rendu de déjeuner de travail avec Bettni Craxi, Président du Conseil des ministres d'Italie, 22 février 1985

« Nous avons environ 300 Italiens réfugiés en France depuis 1976 et qui depuis qu’ils sont chez nous, se sont “repentis” et auxquels notre police n’a rien à reprocher. Il y a aussi une trentaine d’Italiens qui sont dangereux mais ce sont des clandestins. Il faut donc d’abord les retrouver. Ensuite ils ne seront extradés que s’il est démontré qu’ils ont commis des crimes de sang. Si les juges italiens nous envoient des dossiers sérieux prouvant qu’il y a eu crime de sang, et si la justice française donne un avis positif, alors nous accepterons l’extradition.
Pour les nouveaux arrivants, nous sommes prêts à être très sévères et à avoir avec vous le même accord qu’avec l’Espagne. Nous sommes prêts à extrader ou à expulser à l’avenir les vrais criminels sur la base des dossiers sérieux. Il y en a deux actuellement qui pourraient être extradés sous réserve de la justice française. »

Conférence de presse conjointe avec Bettino Graxi, 22 février 1985

« Les principes d’actions sont simples à définir. Ils sont souvent moins simples à mettre en oeuvre. Il s’agit du terrorisme qui est par définition clandestin ; c’est une véritable guerre. Nos principes sont simples.
Tout crime de sang sur lequel on nous demande justice - de quelque pays que ce soit et particulièrement l’Italie - justifie l’extradition dès lors que la justice française en décide.
Tout crime de complicité évidente dans les affaires de sang doit aboutir aux mêmes conclusions.La France, autant que d’autres pays, encore plus que d’autres pays mène une lutte sans compromis avec le terrorisme. Depuis que j’ai la charge des affaires publiques, il n’y a jamais eu de compromis et il n’y en aura pas.
Le cas particulier qui nous est posé et qui alimente les conversations, est celui d’un certain nombre d’Italiens venus, pour la plupart, depuis longtemps en France. Ils sont de l’ordre de 300 environ - plus d’une centaine était déjà là avant 1981 - qui ont d’une façon évidente rompu avec le terrorisme. Même s’ils se sont rendus coupables auparavant, ce qui dans de nombreux cas est probable, ils ont été reçus en France, ils n’ont pas été extradés, ils se sont imbriqués dans la société française, ils y vivent et se sont très souvent mariés. Ils vivent en tous cas avec la famille qu’ils ont choisie, ils exercent des métiers, la plupart ont demandé la naturalisation.
Ils posent un problème particulier sur lequel j’ai déjà dit qu’en dehors de l’évidence - qui n’a pas été apportée - d’une participation directe à des crimes de sang, ils ne seront pas extradés. Cela je l’ai répété à M. le Président du Conseil tout à l’heure, non pas en réponse à ce qu’il me demandait mais en réponse à un certain nombre de démarches judiciaires qui ont été faites à l’égard de la France.
Bien entendu, pour tout dossier sérieusement étayé qui démontrerait que des crimes de sang ont été commis ou qu’échappant à la surveillance, certains d’entre eux continueraient d’exercer des activités terroristes, ceux-là seront extradés ou selon l’ampleur du crime, expulsés. »

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